mercredi 30 novembre 2016

La saison des écureuils


Cette automne, ma prof Léa Stansal nous propose un joli kit avec un motif d’écureuil. En attendant de m’y mettre, je me suis amusée à regarder quels objets avec ce charmant animal j’avais autour de moi, pour ne pas parler de vrais écureuils juste devant ma fenêtre !












Voici donc un ancien plat à gâteaux, de production lorraine, tout comme ce gland en verre avec l’écureuil dessus. Le compotier en verre est chiné en Allemagne. Le plat en bois (à noix peut-être ?) me semble dater des années trente. L’écureuil grimpant en céramique vient d’une collection années cinquante très connue en Grande-Bretagne, « Fauna » de la marque Hornsea. Les petits écureuils en peluche sur le quilt avec les paniers viennent d’une brocante à Metz.





Mais pour trouver de nombreux objets avec des écureuils il faut se tourner vers l’Europe de l’Est. Voici quelques cartes de l’époque soviétique avec des écureuils qui font des provisions pour l’hiver ! La broderie au point de croix que j’ai montée en coussin est également d’origine russe. Et pour finir, voici un petit écureuil que j’ai essayé d’attraper en photo au merveilleux musée ethnographique d’Ukraine !
P.S. je viens aussi de terminer une pochette avec l’image d’un écureuil découpé d’un tissu anglais années quarante (tout en bas).








Squirrel time !


Here is a small squirrel that I tried to catch with my camera as I was visiting the wonderful ethnographic museum in Ukraine !


This autumn, my embroidery teacher Léa Stansal has on offer a sweet kit with a squirrel. While gathering energy for that project, I have had a look around to see what objects with that furry creature I already had, not to mention the real ones just outside my window!






So : here’s a vintage cake stand,  made in the French region of Lorraine, as is the glass acorn with a squirrel on top. The glass fruit dish is a flea market find from Germany. I think the wooden dish (for nuts, maybe?) might be from the 1930s. The climbing  squirrel is from a well-known English 1950s pottery collection, “Fauna” by Hornsea. The small  velvet squirrels on the basket quilt are from a flea market in Metz in eastern France.
However, it is in Eastern Europe that you will find lots of objects with squirrels on. Here are some postcards, dating from the Soviet era, representing squirrels storing away food for the winter! The cross-stitch embroidery  that I have made into a cushion is also of Russian origin. 

P.S. I have also just finished a small bag; the picture of a squirrel is cut out from an English 1940s children’s fabric. 



mardi 15 novembre 2016

Inspiration automnale : le sorbier

Les baies de sorbier est un motif que j’aime particulièrement en automne, ces perles rouges qui éclairent les arbres jaunissants…
J’ai chez moi cette boîte en émail de l’époque soviétique (très pratique pour le frigo) ainsi qu’une patère, également russe, qui montre une pie qui fait sécher ses provisions – champignons et baies de sorbier – pour l’hiver…





Beaucoup d’objets russes sont décorés de baies rouges, parfois cela peut être également la kalina, le viorne obier.
Cette année j’ai voulu broder des branches de sorbier sur une jupe en tweed : voici le résultat, fortement inspiré des cours pris chez Hélène Le Berre (merci, Hélène !)




Autumn inspires me: rowanberries!

Rowanberries are a motif that I have a fondness for in autumn, those pretty red beads that lit up yellowing leaves…. 
At home, I have this enamel box, very handy for the fridge, dating from Soviet times. The painted board, with a magpie drying mushrooms and rowanberries for the winter, is also of Russian origin.  Russians like to decorate objects with red berries – sometimes it can also be the kalina (Viburnum opulus).

This year I wanted to embroider rowan branches on a tweed skirt: here is the result, strongly inspired by my classes with the French designer Hélène Le Berre (merci, Hélène!)

lundi 31 octobre 2016

Motifs de broderie, esprit patriotique

Je viens de rentrer d’un voyage en Ukraine. Là-bas, j’ai été frappé par l’omniprésence des motifs de broderie ukrainienne. J’ai parlé de cette broderie à prédominance rouge et noire l’année dernière lorsque j’ai présenté les serviettes traditionnelles (rouchniki). Aujourd’hui, on la retrouve sur des tuniques et des T-shirts en vente dans de nombreuses boutiques à Kiev. A juger par la quantité de ces vêtements en vente, je ne pense pas qu’ils soient uniquement destinés aux touristes ; et en effet, je les ai vu portés par les habitants de la ville.




Plus curieusement, on retrouve ces mêmes motifs imprimés sur environ 90% des sacs en plastique, quelle que soit la spécialité du magasin en question ; et même, sur des nappes en plastique, comme sur ce chantier près de l’opéra.





J’ai visité un monument important à Kiev : le mémorial de la famine 1932-1933 orchestrée par Staline pour briser la résistance ukrainienne à la collectivisation des fermes. Cet évènement est gravé dans la mémoire collective ukrainienne. Or, la salle d’exposition était décorée de motifs des rouchniki ; avec, certes une ironie amère, l’arbre de vie. Au point central de l’exposition figurait également une construction en métal qui rappelait les « araignées en paille » typiques de l’art populaire ukrainien.
On voit clairement que le peuple ukrainien a besoin de se souder face à la menace russe qu’il ressent. C’est intéressant qu’il utilise des motifs de broderie comme symboles de l’unité nationale.








Embroidery motifs and a patriotic spirit





I have recently made a trip to Ukraine where I was struck by the omnipresence of Ukrainian embroidery motifs. Last year, I spoke about this red and black embroidery on traditional towels (rushniki). Today, you can find this embroidery on tunics and T-shirts sold in a multitude of shops in Kiev. Judging by the quantity of these garments for sale, I don’t think they are solely meant as souvenirs for tourists, and indeed, I saw local people wearing them.
More interestingly, we see the same motifs printed on around 90% of plastic carriers bags, whatever the shop in question is selling; and even on plastic tablecloths, as on this building site close to the opera house.
In Kiev, I visited an important monument: the memorial of the man-made famine of 1932-1933, devised by Stalin to break Ukrainian resistance to the collectivisation of farms. It is an event etched in collective Ukrainian memory. I noted with interest that the exhibition hall was decorated with motifs from rushniki, among others, a tree of life – what bitter irony! The central point of the exhibition also included a metal construction referring to “straw spiders”, typical of Ukrainian folk art.
It seems clear that the Ukrainians feel a need to unite against the Russian threat they are experiencing. It is interesting that they use embroidery motifs as symbols of national unity.



jeudi 13 octobre 2016

(The Day) When the Ship Comes In



C’est un grand jour aujourd’hui.

Il faut que j’exprime ma joie ici à l’annonce du Prix Nobel de littérature : Bob Dylan.
On ne se défait pas de ses idoles de jeunesse. Mais Bob Dylan est plus qu’un chanteur.
C’est un poète dont les paroles sont gravées dans la mémoire collective de ma génération. Poésie rebelle, poésie lyrique, poésie visionnaire, poésie burlesque… tout est là.
Croyez-moi, ça vaut le coup d’apprendre l’anglais rien que pour apprécier son œuvre (et c’est en partie ce qui m’a poussée à le faire).
Il est vrai, Hugues Aufray a fait un bon travail pour rendre les chansons de Dylan accessible au public français, mais … something got lost in translation (quelque chose s’est perdu en cours de la traduction).

Si vous connaissez l’anglais, comparez donc ces strophes de When the ship comes in:

Oh the fishes will laugh
As they swim out of the path
And the seagulls they will be smiling
And the rocks on the sand
Will proudly stand
The hour that the ship comes in.

And the words they used
For to get the ship confused
Will not be understood as they’re spoken
For the chains of the sea
Will have busted in the night
And will be buried at the bottom of the ocean

Avec Le jour où le bateau viendra:
Les poissons seront fiers de nager sur la terre 
Et les oiseaux auront le sourire. 
Sur le sable les rochers seront heureux croyez-moi 
Le jour où le bateau viendra. 

Ce que l'on disait pour égarer les marins 
Ne voudra plus rien dire non plus rien 
Et les grandes marées seront déchaînées 
Le jour où le bateau viendra. 

Alors vous constaterez que la poésie de Bob Dylan est superbe… et intraduisible !

Dans les années soixante, un journaliste suédois avait déjà écrit que Bob Dylan méritait le Prix Nobel – quelle idée farfelue, à l’époque... Après 50 ans, c’est enfin fait !

(The Day) When the Ship Comes In

It is a special day today and I just want to tell you how happy I was as the winner of the Nobel Prize for literature was announced: Bob Dylan.
You never quite leave behind the idols of your youth. But Bob Dylan is more than a singer. He is a poet whose words are etched in the collective memory of my generation. A poetry that is rebellious, lyrical, visionary or burlesque. Believe me, it has been worth learning English just in order to understand his texts (which actually partly motivated me)!
The French singer-song writer Hugues Aufray certainly did a great job translating Dylan’s texts in order to make him known in France. But – if you master French and read the verses above, you will surely agree  that something got lost in translation…


Already in the sixties, a Swedish reporter suggested that Bob Dylan deserved the Nobel Prize. It sounded preposterous at the time, but… times they have a-changed and 50 years later, it is done!

mercredi 14 septembre 2016

Un village tout en fleurs


Dans le sud de Pologne se trouve le village de Zalipie. Depuis une centaine d’années, les habitants y ont pour coutume de peindre des motifs floraux sur les murs des maisons. C’est un savoir-faire qui se transmet de génération en génération : les enfants apprennent à l’école à peindre les motifs typiques du village et chaque année on organise des concours pour la plus belle maison peinte.

Ce n’est toutefois pas un village-musée, mais une communauté qui suit le développement économique. Certaines maisons anciennes en bois avec leurs peintures sont sauvegardées, mais on construit aussi du neuf, et si l’extérieur ne se prête pas à la décoration, on peint les pièces à l’intérieur !



Il y a toutefois une maison avec une exposition permanente, c’est l’ancienne demeure de Felicja Curyło (1904-1974), la femme qui a donné de l’essor à cet art. Le régime communiste d’après-guerre encourageait vivement l’art populaire, et les femmes de Zalipie (car cette activité est avant tout féminine) recevaient des commandes pour décorer des magasins, des restaurants et même la salle de jeux des enfants sur un paquebot. En échange, Felicja Curyło a demandé au gouvernement, dans les années 50, qu’on installe l’électricité dans son village ! Elle voulait aussi voir une « maison des peintres » (plus exactement, au féminin : Dom malarek – « maison des femmes peintres ») au village. C’était chose faite en 1977. La maison emploie des peintres qui décorent des objets mis en vente, accueille les visiteurs et organise des ateliers.



Une autre tradition est la fabrication des fleurs en papier de toutes les couleurs. Nous sommes, après tout, dans la région de Cracovie, avec ses coffres richement peints et ses costumes rebrodés. Les habitants de Zalipie ornent leur environnement sans se restreindre : on peint l’étable, la niche du chien, la ruche et le poulailler ! La crèche de Noël est également ornée de motifs typiques, ainsi que l’église paroissiale. Voici l’ancien four typique dans la maison Curyło, ainsi qu’une image pieuse et un vaisselier –  fleuris, fleuris….



Pour une telle promenade, il fallait que je mette un gilet avec des motifs floraux : Cornfield de Sasha Kagan. J’ai rapporté de Zalipie beaucoup d’inspiration et des idées pour des ouvrages à venir !













A village in bloom

In southern Poland you will find a village called Zalipie. For about a hundred years now, its inhabitants have been painting their houses in vivid floral motifs. It is a skill that is passed on from one generation to the next one. Children are taught at the local school how to paint these typical motifs, and every year there is a competition for the most beautifully painted house in the village.



Zalipie is, however, not a museum but a community that lives with its times. Some old wooden painted houses are kept, but new houses are built. If new building materials are not easy to paint on the outside, then the typical motifs are moved indoors to the various rooms!



Still, there is one house with an permanent exhibition. It used to belong to Felicja Curyło (1904-1974), thanks to whom this tradition gained momentum. The post-war Communist government strongly encouraged popular arts and crafts, and the Zalipie women (this activity has mainly been the domain of women) were commissioned to decorate shops, restaurants and even a children’s playroom on an ocean liner. In exchange, Felicja Curyło asked the government in the mid-fifties for electricity in her village! She also wished to see a ‘painters’ house’ (more exactly in the feminine form: Dom malarek – « women painters’ house ») in the village. That dream was realised in 1977. This centre employs painters who decorate objects for sale, receives visitors and holds workshops.


Another tradition is making colourful paper flowers. This is, after all, the region of Cracow, famous for richly painted chests and beautifully embroidered costumes. The people of Zalipie embellish their environment without restraint: they paint the barn, the hen house, the dog’s kennel, the beehive! The Christmas nativity scene is also decorated with the typical floral motifs, and so is the parish church.  In one of the photos you can see a typical old furnace in the Curyło house, as well as a blessed picture and a dresser and its contents – all adorned with flowers!


For this walk, I thought it suitable to wear a floral jacket: Cornfield by Sasha Kagan. I brought back from Zalipie a huge amount of ideas and inspiration for future needlework, believe me!



lundi 5 septembre 2016

Les roses de Dalécarlie (6)


Je retourne vers le sujet du ryssröd – « rouge russe », ce tissu imprimé rouge qui est tellement présent dans les costumes régionaux de Dalécarlie.

C’est un tissu que nous retrouvons dans plusieurs régions d’Europe et d’Asie. Souvent, il apparaît comme la doublure des petites pochettes afghanes ou broderies ouzbèques. En Moravie, des grands foulards imprimés font partie du costume régional. Nous en voyons souvent dans les patchworks anciens – néerlandais, français, anglais ou américains. En France, il est connu sous le nom de rouge adrinople ; an anglais c’est Turkey red. Il y avait des manufactures d’impression dans plusieurs pays : en Russie, en France, en Ecosse….
Ces tissus rouges sont arrivés en Dalécarlie de plusieurs façons. Les femmes de Dalécarlie se déplaçaient loin pour vendre leurs produits d’artisanat, jusqu’en Russie, d’où elles ramenaient ces tissus. Les tissus étaient également vendus par des vendeurs itinérants de la province de Västergötland, où se trouve la grande ville portuaire de Göteborg. Il y avait, enfin, un magasin dans la plus grande ville de Dalécarlie, Falun, dont le propriétaire, un Juif autrichien, importait des tissus d’Europe centrale.
Le ryssröd  apparait souvent dans les costumes de Dalécarlie : comme ce tablier trouvé à Nås, ce bonnet dans le musée de Falun, ou le foulard de Rättvik. Notons aussi la tradition à Rättvik de présenter les enfants au baptême dans un « sac » cousu dans ce tissu traditionnel, qu’on réimprime toujours.
Dans son livre sur les patchworks anciens suèdois, Åsa Wettre a inclus un ouvrage  de Dalécarlie  fait avec ces imprimés de coton. Ils sont également connus sous le nom de kattun, du français coton, anglais cotton ou néerlandais katoen  – mais qui n’est pas le nom générique du « coton » en suèdois !







The Roses of Dalecarlia (6)

I would like to come back to the subject of ryssröd  (‘Russian red’),  that printed red fabric  which is ubiquitous in Dalecarlian regional costumes.
This fabric creeps up in various parts of Europe and Asia. We can often see is as the lining of Afghan purses or Uzbek embroidered panels. In Moravia, large printed scarfs are part of their regional costumes. It also appears in old patchwork quilts, be it Dutch, French, English or American. In English it is called Turkey red, in French rouge adrinople . There were textile mills printing this type of fabric in several countries, for instance Russia, France, or Scotland.
These red fabrics  entered  Dalecarlia in various ways.  Women from Dalecarlia travelled far in order to sell their hand crafted products, all the way to Russia, from where they brought home such fabrics.  These fabrics were also sold by wandering salesmen from the province of Västergötland, where the large port of Gothenburg is situated.  There was also a big fabric shop in the largest town of Dalecarlia, Falun, whose owner, a Jew from Austria,  imported fabric from Central Europe.
Ryssröd  often appears in Dalecarlian costumes ; for instance in the form of this apron found in Nås, this bonnet now in the collection of Falun Museum, or as  this scarf in Rättvik. It is also interesting that there is a tradition in Rättvik of bringing children to the christening ceremony in “bags” made of this traditional fabric, which is still being reprinted.
In her book on old Swedish quilts, Åsa Wettre mentions a patchwork quilt from Dalecarlia made of  such pieces of printed cotton. They are also know under the name of kattun , from French coton, English cotton or Dutch katoen  - which, however, is not the generetic Swedish name for “cotton”!





Réferences:
Rättviks hemslöjd: Rättviksdräkten 2009
Sandberg, Gösta: Purpur, koschenill, krapp, 1994
Wettre, Åsa: Gamla svenska lapptäcken 1993